Nouvelles propulsions : plus propre, plus loin ?

Utiliser le vent pour le transport maritime ? Une idée simple, et finalement séculaire : la voile a de tout temps été l’outil privilégié des compagnies marchandes. A l’heure des technologies intelligentes et des nouveaux matériaux, revenir à la propulsion vélique s’avère d’une étonnante modernité et permettrait de franchir un pas décisif vers la décarbonation. Innovante en la matière, la Bretagne a déjà lancé les bases d’une filière propulsion par le vent. Le point avec Carole Bourlon, de Bretagne Développement Innovation BDI, et Stéphane Pennanguer de la Région Bretagne.

« Le transport maritime concerne 90% des marchandises et est responsable de 3% des émissions de GES*. Les objectifs de l’OMI sont clairs : réduire les émissions de 30 % d’ici 2030, et de 50% en 2050 ». C’est ce constat, rappelé par Carole Bourlon de BDI, qui a appelé à développer des solutions décarbonées. « Il est urgent d’agir, et l’augmentation des prix du carburant a encore accéléré les choses, complète Stéphane Pennanguer, de la Région Bretagne : le transport maritime propulsé par le vent est porteur et économiquement viable ». S’appuyant sur le modèle de Grain de Sail, qui transporte du café et du chocolat à la voile, ou de l’association Wind Ship, qui œuvre à accélérer la transition vers la propulsion vélique, BDI et la Région ont lancé fin 2021 la structuration d’une filière à l’échelle de la Région. « Nous avons en Bretagne une avance technologique, et un écosystème favorable, notamment avec la Course au Large, qu’on veut transformer en filière industrielle » selon Carole Bourlon.

L’atout breton

61 entreprises déjà actives sur le secteur, 100 attendues d’ici 2 ans, 28 M€ de chiffre d’affaires : l’étude menée par BDI montre que le transport maritime à la voile est une réalité en Bretagne, avec des opportunités de développement. Selon Stéphane Pennanguer, « on peut distinguer deux grands atouts : les technologies et compétences liées à la Course au large et un réseau de grands ports et de ports secondaires ». La Bretagne peut donc accélérer la décarbonation de son territoire, et proposer des solutions industrielles de niveau mondial. « L’objectif est double : développer les lignes et les volumes du transport maritime vélique, et établir en parallèle des lignes secondaires de produits à forte valeur ajoutée, par exemple vers les îles. L’impact du cabotage peut être fort en local ». L’intérêt pour la propulsion vélique s’accélère et la Bretagne est très attractive : « depuis le lancement en novembre nous échangeons de façon très régulière avec une trentaine d’entreprises » pointe Carole Bourlon. Si les idées, les acteurs et les projets ne manquent pas, reste à les mettre en musique via une feuille de route de la Région attendue d’ici quelques mois pour définir une stratégie. « Dans l’idée aussi d’une complémentarité avec d’autres vecteurs énergétiques comme l’hydrogène ».

 *gaz à effet de serre / Organisation maritime internationale

La belle du large

14_10736-Isa_Joschke-Generali-Horizon_Mixite_09« Je préfère le large, le bonheur d’être seule en mer ». Cette affirmation à elle seule permet de situer Isabelle Joschke dans sa détermination, son goût de l’aventure, son indépendance. A 37 ans, cette jeune femme souriante, franco-allemande menue au très subtil accent chantant, est l’une des trop rares femmes à oser la course au large en professionnelle. Installée à Lorient depuis 2006, elle navigue cette année sous les couleurs de Generali en classe Figaro, avec en point d’orgue la Solitaire et la nouvelle Lorient Horta Solo programmée en septembre (voir ci-contre). Le caractère affirmé sous un casque de boucles blondes, Isabelle trouve sa place dans un monde plutôt masculin. « On est deux femmes sur une quarantaine de concurrents dans le circuit Figaro, on nous regarde toujours comme des extraterrestres, ça doit changer… » Et c’est pour défendre la mixité dans tous les milieux, pas seulement celui de la voile, qu’Isabelle a fondé l’association « Horizon Mixité ». « Il y a encore de gros préjugés dans la voile : un sport très physique, qui nécessite de la force… Ok c’est dur, mais il s’agit aussi de gestion du sommeil (on dort à peine 2 heures par jour), de mental, de stratégie et de tactique, de technique de navigation… Je veux prouver qu’on peut être une femme et aller au bout de ses rêves. »

Un parcours atypique

Si elle évolue aujourd’hui avec aisance et détermination, Isabelle n’a pas toujours eu la vocation du grand large. Née à Munich en Allemagne, elle découvre la voile sur le tard lors d’un stage aux Glénans : un coup de foudre.  A 21 ans, la jeune étudiante en lettres de la Sorbonne choisit de faire sa vie dans le nautisme. Deux ans plus tard elle court sa première Mini Transat en 6.50. « C’était une folie : j’ai travaillé comme skipper et monitrice pendant près de deux ans pour me payer mon premier bateau sans rien y connaître, sans jamais avoir régaté ! ». Entre 2004 et 2008, Isabelle évolue et sur le circuit 6.50. En 2008, la belle devenue championne change de catégorie : « j’avais envie de course au large et le Figaro est le meilleur circuit pour ça : très bon niveau sportif, très exigeant ». Isabelle remporte une étape sur la Cap Istanbul en 2008, elle enchaîne les Solitaires et savoure ces moments de plénitude, seule face à l’océan. « Le temps est différent, on est concentré sur le présent, le bateau, l’eau qui nous entoure, le vent, les nuages… on oublie beaucoup de la vie à terre. Toutes ces sensations intenses vont au-delà des difficultés : on se dépasse encore plus, on va à la rencontre de soi, de ses limites et de ses peurs. »

Lorient, patrie du nautisme

Et ce n’est pas un hasard si en 2006, Isabelle choisit Lorient pour vivre sa passion. « Quand on fait ce métier, Lorient est la ville où l’on veut être : il y a tout un monde autour de la course au large qui attire beaucoup de navigateurs ». Isabelle s’est également engagée avec Lorient Grand Large pour représenter les skippers au directoire de l’association. « L’idée est de permettre aux coureurs de progresser ensemble, de développer le pôle sportif et de le valoriser. Il y a encore tant de belles perspectives de développement à vivre ici ! ». Avec en ligne de mire, la toute nouvelle course au large Lorient Horta Solo.

 

Isabelle Joschke en quelques dates :

27 janvier 1977 : naissance à Munich

1998 : décide de faire de la voile son métier

2002 : devient skipper professionnel

Janvier 2004 : achète son premier bateau 6.50

2007 : participe à sa deuxième Mini Transat et remporte la première étape

2008 : intègre le circuit Figaro

 

Lorient Horta Solo, du 6 au 28 septembre

Un aller-retour de 2 260 miles nautiques (4 185 km) vers Horta, perle des Iles des Açores : la Lorient Horta Solo partira le 6 septembre de la Base des sous-marins de Lorient. Plus de 30 skippers sont déjà inscrits pour cette belle aventure sportive en mer avec deux étapes de 9 jours et un parcours plutôt stratégique. Proposée tous les deux ans en alternance avec la Generali Solo, cette nouvelle course est organisée par Lorient Grand Large.

Dates à retenir :

29 août au 6 septembre : présence des bateaux au Port de Lorient Base des Sous-Marins

31 août : Prologue en rade de Lorient

6 septembre : départ de Lorient

14 au 19 septembre : escale à Horta sur l’île de Faial aux Açores

A partir du 26 septembre : arrivées à Lorient