« Les désailés parlent de nous »

 

Violaine Fayolle est une artiste habitée : jeune femme brune, les cheveux courts, les yeux pétillants et le verbe généreux. Son projet, les désailés, est multiple et ambitieux. Philippe, Thierry, Léon, Igor, Simon ou Violaine : ce sont des oiseaux chimériques, à la fois humains et animaux, autour desquels Violaine organise pour 2017 une exposition, un cabinet de curiosité, du théâtre d’ombres, un film et un spectacle… « Je travaille sur ce projet depuis deux ans, confie la jeune femme, il m’habite totalement. » Et c’est pour concrétiser ce projet un peu fou qu’elle a lancé une campagne de souscription en ligne.

 

Traduire la difficulté d’être humain

Peintre, graveur sur bois, mais aussi diplômée de littérature, violoniste et danseuse, Violaine Fayolle le revendique : « l’art n’est pas pour moi un plaisir, mais une nécessité ». Pourtant, c’est en dehors des sentiers battus qu’elle a forgé ses techniques et développé sa créativité : pas d’études aux beaux-arts, mais une curiosité insatiable et un regard aiguisé. « Je ramasse des algues séchées, des coquillages, des bouts de bois, ils m’inspirent : dans cette branche, je vois la forme d’un joli cou, ce chardon bien rond offre un beau volume, des formes que j’exploite dans mes carnets ». Une dizaine de carnets Moleskine noirs, peuplés de dessins à l’encre noire : des oiseaux, des plumes, des branches, des visages, des croquis qui donneront naissance à 30 créatures hybrides, les désailés, réalisés à la gravure sur bois. « Ce sont des oiseaux, ils ont des ailes mais ne peuvent pas voler, explique l’artiste. On vit tous dans un monde difficile, on a du mal à être d’accord avec le système, ce qu’on nous impose… On passe par des phases d’incompréhension, de décalage. C’est ce que je montre avec cette série, en mettant en scène la figure du monstrueux, symbole du décalage. »

 

Révéler la beauté cachée

Violaine est une artiste du sensuel, du physique. Elle aime travailler la matière, ressentir les choses. « J’aime le bois, j’ai l’impression de libérer mes oiseaux en creusant la plaque. Et puis, en réalisant mes gravures, j’ai découvert des beautés spontanées : dans les étapes intermédiaires, des formes naissent, mais elles doivent disparaissent pour arriver au résultat final. Ces beautés éphémères, je les ai fixées par l’impression. » Une démarche qu’elle renouvelle en exploitant les caches, formes découpées dans du papier pour cacher certaines parties de ses gravures, et qui formeront un petit théâtre d’ombres. A partir d’une forêt noire, l’artiste veut graver dans le bois une narration grand format : « la forêt se révèle, puis se dissout, laissant les désailés en errance ». Un autre projet autour des oiseaux désailés sera réalisé en vidéo selon la technique du stop-motion, par l’accumulation de milliers de photos, prises à chaque étape de la gravure. Les désailés, oiseaux chimériques et pourtant si familiers, racontent la complexité des humains et de la société. Le travail sur bois, la transformation de la matière, racontent aussi cette histoire.

Un projet artistique à soutenir

Cette incroyable fresque artistique autour des désailés imaginée par Violaine doit prendre place à la galerie Pierre Tal Coat à Hennebont au printemps 2017. Pour permettre à ses créations de vivre et de se réaliser, l’artiste a lancé une campagne de financement participatif en ligne, où elle expose l’ensemble du projet et les différentes étapes de sa réalisation. De l’impression de ses gravures à la création d’un spectacle dansé, chaque intervention artistique nécessite un financement. « C’est difficile aujourd’hui de vivre de son art. Le financement participatif peut être une solution, mais je ne veux pas demander de l’argent sans offrir de contrepartie » : cartes postales, affiches, dessins, gravures originales sont offertes aux généreux donateurs. « Depuis toujours, j’ai besoin de peindre, de dessiner, de danser. Je communique autrement qu’avec les mots » confie la jeune artiste, pourtant diplômée en littérature. « Je suis pleine de paradoxes ! »

Plus d’infos sur son travail et son projet sur www.violaine-fayolle.com

 

 

Geoffrey Oryema : une âme sensible exilée en Bretagne

Geoffrey Oryema est un artiste musicien et chanteur ougandais mondialement connu. Il sillonne la planète pour donner des concerts, participer à des projets culturels, chanter à l’ONU. Mais c’est à Ploemeur qu’il a posé ses valises en 2009. Récit d’une trajectoire hors du commun.

On connaît de lui ce célèbre titre, « Yé Yé Yé», propulsé par l’émission le Cercle de Minuit sur France 2 dans les années 90. Il compte parmi ses fidèles Manu Katché, Peter Gabriel, ou encore Brian Eno. Il a joué au stade de Wembley en 1990 pour la libération de Nelson Mandela. Artiste international et multi-instrumentiste, il parcourt le monde, toujours accompagné de sa guitare. C’est pourtant à Ploemeur que Geoffrey Oryema a choisi de s’installer. « Je suis venu ici par amour » confie l’artiste. Grand et élancé, Geoffrey Oryema ne laisse rien paraitre de ses 61 ans. Le regard clair, simplement vêtu d’un jean et d’un pull mauve, réchauffé par un bonnet de laine bleu, l’artiste conserve sa prestance et oppose une sévère discrétion sur sa vie privée. On n’en saura pas plus sur cette histoire d’amour qui a conduit le chanteur à quitter Paris, sa ville d’accueil depuis sa fuite de l’Ouganda, son pays d’origine, en 1977. « Cette histoire, je l’ai trop racontée : mon père, politicien, assassiné par Amin Dada, mon départ, enfermé dans le coffre d’une voiture, vers le Kenya. Puis mon envol pour Paris ».

Pourquoi la France ? « Parce que je voulais apprendre la langue, et puis j’adore cuisiner ! ». Geoffrey Oryema est un esthète, issu d’une famille aristocratique ougandaise : il a été élevé dans le goût de l’art et de la culture. Une mère danseuse, à la tête d’une grande compagnie, un père passionné de musique. « Il m’a initié à la harpe à 5 cordes quand j’avais 5 ans ». Geoffrey Oryema joue aussi bien des instruments traditionnels ougandais que de la guitare électrique. « J’ai été bercé par la musique anglo-saxonne : les Beatles, les Rolling Stones… L’Ouganda était un protectorat britannique à une époque ! » Un éclectisme musical bien venu alors qu’émerge la « world music » à Paris. Il enregistre son premier album « Exile » en 1990, album qui révèle le style métissé de l’artiste au grand public. « J’ai essayé de trouver mon identité en mélangeant mes influences et de définir mon style : afro pop rock. Je joue des instruments traditionnels ougandais, je chante en français, en anglais, en swahili et acholi (des langues africaines) mais les arrangements sont très actuels, modernes, avec une volonté de toujours être original. Il faut créer la mode plutôt que la suivre ».

S’il ne se lasse pas de composer, Geoffrey Oryema est aussi militant : son précédent album, « From the Heart », sorti en 2010, est un plaidoyer pour la cause des enfants soldats, ce qui lui valut d’être invité à chanter aux Nations Unies. Il y retourne d’ailleurs le 30 juin prochain pour la 69ème assemblée générale de l’Onu en présence des chefs d’états et aux côtés d’artistes du monde entier. « Youssou N’Dour, Salif Keita, Beyoncé, Rihanna… et moi ! Je serai accompagné de l’orchestre philarmonique de New-York, s’amuse le chanteur. J’ai toujours rêvé de ce genre de participation avec un grand orchestre et des chœurs… ». Aujourd’hui naturalisé français, il se partage entre Ploemeur, Paris et la Belgique où il prépare son septième album. Tout l’inspire : les bruits, l’agitation des villes, le calme de la côte bretonne. « La musique est ma thérapie, un outil redoutable, une arme. Ça m’a aidé à traverser l’horreur de la dictature, l’exil, à me reconstruire ».Entre deux avions, Geoffrey Oryema aime profiter du paysage changeant du bord de mer. « J’ai vécu dans un de ces hameaux côtiers de Ploemeur, caché dans la lande et battu par les vents. La mer, c’est important pour moi qui suis né sur les bords du Lac Victoria en Ouganda.» Il n’a jamais foulé le sol de son pays natal depuis son départ. C’est l’un de ses projets, « mon retour, j’y pense. Je ne peux pas nier d’où je viens… Je veux faire la paix avec mon pays et avec moi-même.»

Dates clés :

  • Avril 1954 : Naissance à Soroti, Ouganda
  • 1971 : Idi Amin Dada prend le pouvoir
  • Février 1977 : son père, ministre de l’Eau et des Ressources, disparait dans un accident de voiture perçu comme un assassinat maquillé. Geoffrey Oryema quitte l’Ouganda et s’installe à Paris
  • 1990 : Premier album « Exile »
  • 1994 : « Beat The Border »
  • 1997 : « Night to Night »
  • 2000 : « Lost Spirit »
  • 2004 : « Words »
  • 2009 : Installation à Ploemeur
  • 2010 : « From the Heart » (album produit à Ploemeur) et concert à l’ONU
  • 30 juin 2015 : concert à l’ONU, préparation d’un nouvel album et participation au projet « le bâton d’Ishango »

 

La belle du large

14_10736-Isa_Joschke-Generali-Horizon_Mixite_09« Je préfère le large, le bonheur d’être seule en mer ». Cette affirmation à elle seule permet de situer Isabelle Joschke dans sa détermination, son goût de l’aventure, son indépendance. A 37 ans, cette jeune femme souriante, franco-allemande menue au très subtil accent chantant, est l’une des trop rares femmes à oser la course au large en professionnelle. Installée à Lorient depuis 2006, elle navigue cette année sous les couleurs de Generali en classe Figaro, avec en point d’orgue la Solitaire et la nouvelle Lorient Horta Solo programmée en septembre (voir ci-contre). Le caractère affirmé sous un casque de boucles blondes, Isabelle trouve sa place dans un monde plutôt masculin. « On est deux femmes sur une quarantaine de concurrents dans le circuit Figaro, on nous regarde toujours comme des extraterrestres, ça doit changer… » Et c’est pour défendre la mixité dans tous les milieux, pas seulement celui de la voile, qu’Isabelle a fondé l’association « Horizon Mixité ». « Il y a encore de gros préjugés dans la voile : un sport très physique, qui nécessite de la force… Ok c’est dur, mais il s’agit aussi de gestion du sommeil (on dort à peine 2 heures par jour), de mental, de stratégie et de tactique, de technique de navigation… Je veux prouver qu’on peut être une femme et aller au bout de ses rêves. »

Un parcours atypique

Si elle évolue aujourd’hui avec aisance et détermination, Isabelle n’a pas toujours eu la vocation du grand large. Née à Munich en Allemagne, elle découvre la voile sur le tard lors d’un stage aux Glénans : un coup de foudre.  A 21 ans, la jeune étudiante en lettres de la Sorbonne choisit de faire sa vie dans le nautisme. Deux ans plus tard elle court sa première Mini Transat en 6.50. « C’était une folie : j’ai travaillé comme skipper et monitrice pendant près de deux ans pour me payer mon premier bateau sans rien y connaître, sans jamais avoir régaté ! ». Entre 2004 et 2008, Isabelle évolue et sur le circuit 6.50. En 2008, la belle devenue championne change de catégorie : « j’avais envie de course au large et le Figaro est le meilleur circuit pour ça : très bon niveau sportif, très exigeant ». Isabelle remporte une étape sur la Cap Istanbul en 2008, elle enchaîne les Solitaires et savoure ces moments de plénitude, seule face à l’océan. « Le temps est différent, on est concentré sur le présent, le bateau, l’eau qui nous entoure, le vent, les nuages… on oublie beaucoup de la vie à terre. Toutes ces sensations intenses vont au-delà des difficultés : on se dépasse encore plus, on va à la rencontre de soi, de ses limites et de ses peurs. »

Lorient, patrie du nautisme

Et ce n’est pas un hasard si en 2006, Isabelle choisit Lorient pour vivre sa passion. « Quand on fait ce métier, Lorient est la ville où l’on veut être : il y a tout un monde autour de la course au large qui attire beaucoup de navigateurs ». Isabelle s’est également engagée avec Lorient Grand Large pour représenter les skippers au directoire de l’association. « L’idée est de permettre aux coureurs de progresser ensemble, de développer le pôle sportif et de le valoriser. Il y a encore tant de belles perspectives de développement à vivre ici ! ». Avec en ligne de mire, la toute nouvelle course au large Lorient Horta Solo.

 

Isabelle Joschke en quelques dates :

27 janvier 1977 : naissance à Munich

1998 : décide de faire de la voile son métier

2002 : devient skipper professionnel

Janvier 2004 : achète son premier bateau 6.50

2007 : participe à sa deuxième Mini Transat et remporte la première étape

2008 : intègre le circuit Figaro

 

Lorient Horta Solo, du 6 au 28 septembre

Un aller-retour de 2 260 miles nautiques (4 185 km) vers Horta, perle des Iles des Açores : la Lorient Horta Solo partira le 6 septembre de la Base des sous-marins de Lorient. Plus de 30 skippers sont déjà inscrits pour cette belle aventure sportive en mer avec deux étapes de 9 jours et un parcours plutôt stratégique. Proposée tous les deux ans en alternance avec la Generali Solo, cette nouvelle course est organisée par Lorient Grand Large.

Dates à retenir :

29 août au 6 septembre : présence des bateaux au Port de Lorient Base des Sous-Marins

31 août : Prologue en rade de Lorient

6 septembre : départ de Lorient

14 au 19 septembre : escale à Horta sur l’île de Faial aux Açores

A partir du 26 septembre : arrivées à Lorient