Geoffrey Oryema : une âme sensible exilée en Bretagne

Geoffrey Oryema est un artiste musicien et chanteur ougandais mondialement connu. Il sillonne la planète pour donner des concerts, participer à des projets culturels, chanter à l’ONU. Mais c’est à Ploemeur qu’il a posé ses valises en 2009. Récit d’une trajectoire hors du commun.

On connaît de lui ce célèbre titre, « Yé Yé Yé», propulsé par l’émission le Cercle de Minuit sur France 2 dans les années 90. Il compte parmi ses fidèles Manu Katché, Peter Gabriel, ou encore Brian Eno. Il a joué au stade de Wembley en 1990 pour la libération de Nelson Mandela. Artiste international et multi-instrumentiste, il parcourt le monde, toujours accompagné de sa guitare. C’est pourtant à Ploemeur que Geoffrey Oryema a choisi de s’installer. « Je suis venu ici par amour » confie l’artiste. Grand et élancé, Geoffrey Oryema ne laisse rien paraitre de ses 61 ans. Le regard clair, simplement vêtu d’un jean et d’un pull mauve, réchauffé par un bonnet de laine bleu, l’artiste conserve sa prestance et oppose une sévère discrétion sur sa vie privée. On n’en saura pas plus sur cette histoire d’amour qui a conduit le chanteur à quitter Paris, sa ville d’accueil depuis sa fuite de l’Ouganda, son pays d’origine, en 1977. « Cette histoire, je l’ai trop racontée : mon père, politicien, assassiné par Amin Dada, mon départ, enfermé dans le coffre d’une voiture, vers le Kenya. Puis mon envol pour Paris ».

Pourquoi la France ? « Parce que je voulais apprendre la langue, et puis j’adore cuisiner ! ». Geoffrey Oryema est un esthète, issu d’une famille aristocratique ougandaise : il a été élevé dans le goût de l’art et de la culture. Une mère danseuse, à la tête d’une grande compagnie, un père passionné de musique. « Il m’a initié à la harpe à 5 cordes quand j’avais 5 ans ». Geoffrey Oryema joue aussi bien des instruments traditionnels ougandais que de la guitare électrique. « J’ai été bercé par la musique anglo-saxonne : les Beatles, les Rolling Stones… L’Ouganda était un protectorat britannique à une époque ! » Un éclectisme musical bien venu alors qu’émerge la « world music » à Paris. Il enregistre son premier album « Exile » en 1990, album qui révèle le style métissé de l’artiste au grand public. « J’ai essayé de trouver mon identité en mélangeant mes influences et de définir mon style : afro pop rock. Je joue des instruments traditionnels ougandais, je chante en français, en anglais, en swahili et acholi (des langues africaines) mais les arrangements sont très actuels, modernes, avec une volonté de toujours être original. Il faut créer la mode plutôt que la suivre ».

S’il ne se lasse pas de composer, Geoffrey Oryema est aussi militant : son précédent album, « From the Heart », sorti en 2010, est un plaidoyer pour la cause des enfants soldats, ce qui lui valut d’être invité à chanter aux Nations Unies. Il y retourne d’ailleurs le 30 juin prochain pour la 69ème assemblée générale de l’Onu en présence des chefs d’états et aux côtés d’artistes du monde entier. « Youssou N’Dour, Salif Keita, Beyoncé, Rihanna… et moi ! Je serai accompagné de l’orchestre philarmonique de New-York, s’amuse le chanteur. J’ai toujours rêvé de ce genre de participation avec un grand orchestre et des chœurs… ». Aujourd’hui naturalisé français, il se partage entre Ploemeur, Paris et la Belgique où il prépare son septième album. Tout l’inspire : les bruits, l’agitation des villes, le calme de la côte bretonne. « La musique est ma thérapie, un outil redoutable, une arme. Ça m’a aidé à traverser l’horreur de la dictature, l’exil, à me reconstruire ».Entre deux avions, Geoffrey Oryema aime profiter du paysage changeant du bord de mer. « J’ai vécu dans un de ces hameaux côtiers de Ploemeur, caché dans la lande et battu par les vents. La mer, c’est important pour moi qui suis né sur les bords du Lac Victoria en Ouganda.» Il n’a jamais foulé le sol de son pays natal depuis son départ. C’est l’un de ses projets, « mon retour, j’y pense. Je ne peux pas nier d’où je viens… Je veux faire la paix avec mon pays et avec moi-même.»

Dates clés :

  • Avril 1954 : Naissance à Soroti, Ouganda
  • 1971 : Idi Amin Dada prend le pouvoir
  • Février 1977 : son père, ministre de l’Eau et des Ressources, disparait dans un accident de voiture perçu comme un assassinat maquillé. Geoffrey Oryema quitte l’Ouganda et s’installe à Paris
  • 1990 : Premier album « Exile »
  • 1994 : « Beat The Border »
  • 1997 : « Night to Night »
  • 2000 : « Lost Spirit »
  • 2004 : « Words »
  • 2009 : Installation à Ploemeur
  • 2010 : « From the Heart » (album produit à Ploemeur) et concert à l’ONU
  • 30 juin 2015 : concert à l’ONU, préparation d’un nouvel album et participation au projet « le bâton d’Ishango »