Transport maritime : vers la décarbonation et l’innovation

Des transports moins polluants et plus engagés ? Les instances réglementaires comme les opérateurs s’accordent sur cet objectif impératif à moyen terme. Le point avec Magda Kopczynska, Directrice du transport maritime à la DG MOVE* et Jean-Marc Roué, président du Conseil de surveillance de Brittany Ferries.

Quel est l’enjeu du transport maritime pour la Commission Européenne ?

Magda Kopczynska : Les transports jouent un rôle essentiel dans le marché unique et la libre circulation des biens et des personnes. Le transport maritime représente 80% du commerce mondial et 400 millions de passagers par an. La DG MOVE soutient la compétitivité, la sécurité et la transition environnementale et numérique du secteur, notamment via la législation européenne. La DG MOVE s’appuie sur l’aide technique de l’AESM* et coordonne l’action des états de l’OMI*.

Pouvez-vous rappeler l’activité et le poids de Brittany Ferries ?

Jean-Marc Roué : L’entreprise fête ses 50 ans cette année : 50 années à développer des lignes maritimes régulières entre territoires périphériques. Au départ de Calais vers l’Angleterre, entre la Bretagne et l’Irlande, entre le Royaume-Uni et l’Espagne… Aujourd’hui, nous transportons 2,5 millions de passagers dont 80% de Britanniques et à 95% motorisés. Notre flotte compte 11 navires, le 12ème est en cours d’essai pour une livraison en 2023. Nous assurons également le transport de véhicules industriels accompagnés ou non : tracteurs, poids-lourds, remorques, à raison de 200 000 par an. Brittany Ferries est devenu le premier employeur de marins français.

Quelles sont vos visions sur les engagements pris au One Ocean Summit et à la conférence des Nations Unies de Lisbonne ?

Magda Kopczynska : Nous nous réjouissons de la prise de conscience des états et des organisation internationales sur les enjeux de protection des océans, et de leurs engagements à agir concrètement. Ils complètent les mesures de l’Europe pour favoriser la transition écologique du transport maritime, plus particulièrement sur le déploiement de carburants alternatifs, y compris à quai. Nous souhaitons élargir cette politique européenne au niveau de l’OMI. Nous luttons également contre la pollution marine issue du transport : installations portuaire de réception des déchets, sanctions contre les rejets polluants…

Jean-Marc Roué : Nous avions besoin d’un cadre.Le shipping est moins visé que l’aérien car il représente 3% des émissions pour 80% des marchandises transportées. Mais l’OMI s’organise pour améliorer les choses, notamment avec la mise en place d’un indice d’émissions au mille nautique, et pas à la tonne transportée. Avec cet indice, il faudra renouveler ou améliorer les bateaux.

Comment accompagner la décarbonation du transport maritime ?

Magda Kopczynska : Conformément au Pacte Vert européen, la Commission a proposé des mesures visant à atteindre 55% de réduction des GES d’ici 2030. Pour le transport maritime, la DG MOVE a lancé 2 initiatives : le règlement sur l’utilisation de carburants alternatifs et celui sur les infrastructures associées. Dans le contexte international, nous coordonnons les efforts des Etats européens pour revoir à la hausse les ambitions et l’adoption de mesures concrètes.

Jean-Marc Roué : Nos navires vont naviguer pendant 35 ans. Quand on a commandé le Salamanca, on a choisi un moteur au GNL (gaz naturel liquéfié) et capable d’utiliser le méthane vert : une solution évolutive. Pour le prochain navire de 2023, nous avons couplé propulsion GNL et électricité pour manœuvrer dans les ports sans combustion, sans bruits, sans pollution. Côté fret, nous avons lancé une ligne ferroviaire pour assurer la continuité avec le bateau : 980 km safe carbone vers l’Angleterre et l’Irlande. Nous sommes des vendeurs de rêve et de plaisir, nous devons être capables d’aller plus loin que la réglementation.

Votre regard sur des organisations comme le Campus Mondial de la Mer ?

Magda Kopczynska : Les organisations comme le Campus Mondial de la Mer, rassemblant différents acteurs de l’industrie, de la recherche, des autorités locales, favorisent les partenariats et les rencontres fructueuses qui nourrissent les consultations européennes. Elles aide également à la bonne mise en œuvre du cadre réglementaire européen et à l’intégration concrète des politiques européennes au niveau local.

Jean-Marc Roué : Nous évoluons en Europe et nous bénéficions du réseau pour nous accompagner dans la décarbonation. Avec 500 M€ de CA, nous n’avons pas d’équipe R&D, nous travaillons avec des partenaires du Campus Mondial de la Mer. Et nous bénéficions de l’expertise de nos prédécesseurs, comme CMA CGM qui utilise déjà le GNL et a formé nos équipes. On y gagne à travailler ensemble !

*Direction générale de la mobilité et des transports de la Commission Européenne

Agence européenne de sécurité maritime