Trédion, un écrin de verdure chargé d’histoire

Un gracieux château, des dizaines d’étranges mégalithes, des forêts et des landes : le territoire de Trédion ressemble au royaume magique d’un conte de Grimm dans lequel s’insèrent les grands noms de l’histoire de France, des Ducs de Bretagne à Catherine de Médicis…

Tredion le Chateau (7) C’est une petite commune de moins de 1000 habitant, nichée au cœur des Landes de Lanvaux, bordée par la rivière d’Arz et la Claie. Trédion ne croise pas la voie express, mais son écrin de forêts et de landes abrite bien des vestiges d’un passé riche et mouvementé. Le joyau le plus visible est, sans conteste, le château de Trédion, magnifique manoir du 14è siècle alors propriété des Ducs de Bretagne. Entouré de vastes forêts, il s’impose comme rendez-vous de chasse privilégié. De prestigieux propriétaires se succèdent sur ces terres,  comme les Malestroit, Jean IV de Rieux ou encore Charles Fouquet, parent du surintendant des finances du Roi Louis XIV, et qui serait à l’origine de la légende du Trésor de Trédion enfoui au pied d’un chêne du parc. Le château reçoit la visite d’illustres visiteurs : le Roi François 1er pour une nuit de 1518, avant de rejoindre Vannes ; la Reine Mère Catherine de Médicis, régente du Royaume de France et hôtesse des Coligny alors propriétaires, qui résidera deux semaines au printemps 1570. C’est au cours du 19è siècle que le château subit le plus de transformations par la volonté de son nouveau propriétaire, l’industriel Hippolyte du Fresne de Virel qui offre au bâtiment une nouvelle silhouette néogothique proche des châteaux du bord de Loire. Le parc, dessiné vers 1820, se déploie au gré d’une allée irrégulière et d’une rivière artificielle, on y trouve une cascade, un bassin et un étang, mais aussi un jardin potager et un verger qui l’ont fait inscrire au pré-inventaire des jardins remarquables.

 

De mystérieuses pierres levées

Dans lesbabouin tredion forêts de Trédion, les nombreux mégalithes attestent d’une présence humaine datant du néolithique. Parmi ces étranges pierres taillées et érigées, un curieux couple de menhirs se dresse au creux du bois de Lanvaux. Distants d’une vingtaine de mètres, ces deux pierres taillées ont été nommées « babouin » (pour le plus petit, d’1 mètre 45 de hauteur), et « babouine » (de 3 mètres 25). Le plus petit est même sculpté d’un visage humain. Ces deux sculptures pourraient dater de l’âge de fer et s’interprètent comme la représentation des principes féminins et masculins. Le Dolmen de la Loge aux Loups, les allées couvertes et les Menhirs disséminés dans les bois sont autant d’héritages des populations préhistoriques, complétés par des vestiges romains comme la voie venant de Vannes  et celle issue de Castennec. Chaque occupant y a laissé sa marque, et celle des Bretons s’inscrit dans les noms mêmes de la majorité des 62 lieux-dits de la commune et dans la langue, toujours vivante et parlée par les plus anciens. La religion accompagne aussi l’histoire de Trédion, ancienne frairie de la paroisse d’Elven, et détachée en 1136 après la création d’un prieuré par les seigneurs de Largoët. Elle sera ensuite associée à la frairie d’Aguénéac pour former une nouvelle paroisse en 1820 puis une commune dès 1836. La chapelle Saint-Nicolas d’Aguénéac, datant du 17ème siècle, marque également la mémoire collective de la commune : le 23 octobre 1795, Pierre Coedelo y fut égorgé par les Bleus révolutionnaires à l’issue de la messe, « en essayant de soustraire les saintes hosties à la profanation » selon l’inscription lisible sur sa tombe.

A faire :

Dans le cadre des Rendez-vous artistiques et culturels du patrimoine, suivez la balade contée et commentée « Trédion ou la vie de château, balade sonore et participative » le dimanche 22 février à 14h30. La balade autour du château de Trédion est animée par la compagnie Magic Meeting qui compose une visite décalée : une histoire loufoque concoctée par les comédiens et déversée dans vos oreilles grâce à des casques, ponctuée de chants et de danses. Pour la partie historique, c’est le guide-conférencier Jean-Michel Bonvalet qui révèlera les petites et grandes histoires du château et du bourg.
Balade gratuite sur réservation  auprès de l’office de Tourisme de Vannes Golfe du Morbihan au 02 97 47 24 34 .
Durée 1h30 environ

Rester zen avec le yoga

Yoga à PloemeurDes adeptes dans le show-biz, des clichés un peu new age, le yoga séduit pourtant plus d’un million de Français. Souvent mal connu, le yoga n’est pas une discipline sportive mais une philosophie de vie qui vise l’épanouissement personnel, une union du corps et de l’esprit. Sur l’agglomération de Lorient, on compte plus d’une dizaine d’associations de yoga. A Ploemeur, au Courégant, une douzaine d’enfants se retrouve tous les mardis pour une séance hebdomadaire. Dans la demi-pénombre et bercés par la musique, les petits yogis se détendent avant de laisser la place aux adultes. « Le yoga est un art de vivre, il concerne l’alimentation, l’apprentissage, le sommeil, l’hygiène…  C’est un état d’être appliqué à toutes nos actions » résume Audrey Fiorini, fondatrice de la Yoga School Bretagne. « En sanscrit, le mot yog signifie union : le yoga cherche l’équilibre, la cohérence et la paix dans nos pensées et nos actions. SI tout le monde est yoga, l’univers tout entier est yoga ! » s’amuse Audrey. Drapée de blanc, souple dans un large pantalon bleu, pieds nus et cheveux libres, elle parle d’une voix douce et posée. Et les fameuses postures ? « Elles s’inspirent de la nature, d’ailleurs elles portent des noms d’arbres ou d’animaux. Elles nous aident à trouver notre équilibre »  reprend Audrey. Dans le cours adulte, chacun se déchausse et s’installe discrètement sur son tapis. Monique est venue après une opération de la hanche, « j’ai récupéré plus de souplesse très rapidement, mais je viens aussi pour me recentrer et relâcher la pression ». « Le yoga nous apporte une certaine sérénité, complète Lise, à être gentil avec notre corps, à nous trouver nous-même, on est dans la paix ». « On se sent bien, en forme, plus détendu, voire boosté selon les thématiques abordées à chaque séance » expliquent Marion et Caroline. Pas de prérequis donc, chacun puise selon ses envies et ses besoins dans le yoga : souplesse, souffle, détente, sérénité… Et tous revendiquent ce mélange de pratique physique et de spiritualité.

-Yoga School Bretagne / Audrey Fiorini / cours sur Ploemeur et Lorient / yogaschool.fr
-Yoga Satyananda / cours sur Lorient (CEP) et Hennebont / www.ecoledeyogasatyananda.net
-PLLorient / cours au Ter / www.pllorient.com
-Yoga l’Orient / cours sur Quéven, Kerpape et Quimperlé / www.yogalorient.fr
-YAPP / cours sur le Pays de Plouay /
-Foyer Laïque de Lanester / www.foyerlaiquelanester.fr/yoga
-Yoga du Scorff / cours sur Lanester /
-Laïta Yoga / cours sur Guidel…

Corps bronzés et crustacés

Sur la plage abandonnée, corps bronzés et crustacés. Coques, palourdes, huitres, crevettes et autres étrilles : la nature est généreuse sur les côtes de Lorient Bretagne Sud. Avec un peu de matériel et de la bonne volonté, offrez-vous un bouquet iodé et faites vous-même votre plateau de fruits de mer.

 

Coques à RiantecDes corps dorés alignés sur les serviettes colorées : l’été, les 100 km de littoral et de plage de Lorient Bretagne sud offrent le panorama classique du farniente et de la bronzette. Mais plus qu’un bronzarium à ciel ouvert, la plage recèle de nombreux trésors à débusquer et déguster. Et à Lorient Bretagne Sud, on n’a pas attendu la mode du DIY* pour mettre les pieds dans la vase. Ici, souvent, le plateau de fruits de mer est « fait maison ». Tout au long de l’année, à chaque grande marée, les plages se peuplent de bipèdes gratteurs en quête de coquillages, l’échine courbée, le râteau à la main. Lieu privilégié de ce sport familial très prisé, la Petite Mer de Gâvres attire chaque jour de nouveaux pêcheurs, indépendamment des grands coefficients : espace naturel unique, cette mer intérieure de 350 hectares se vide presque entièrement à marée basse deux fois par jour. Un paradis pour les coquillages qui y résident comme pour les gourmands qui les traquent. « On pêche de tout ici, palourdes, coques, bigorneaux, moules, huîtres… » explique Jean, planté dans ses bottes en caoutchouc. « Je suis né ici, je connais la Petite Mer comme ma poche. Le bon matériel : un croc à quatre dents, un long manche pour ne pas trop se baisser. Je remplis un seau en une heure. » Le geste est sûr, l’œil averti : « il faut gratter sur environ 10 à 15 cm de profondeur dans le sable ou la vase. Pas besoin d’aller profond, mieux vaut avancer ». Et la récolte est belle : des palourdes et des coques de gros calibre, « je respecte les tailles minimum, si les coquillages sont trop petits, je les enfouis dans le sable pour les protéger des goélands ». Même technique pour Michel, enfoncé dans un grand pantalon ciré jaune. « Respecter les tailles, ça permet d’assurer le renouvellement sans épuiser la ressource ». Michel vient pêcher toute l’année, au gré de ses envies : « j’aime être en plein air, l’odeur d’iode, les cris des oiseaux, la vue, les lumières… Et puis ici, les coquillages sont très bons, c’est comme un grand frigo à ciel ouvert ! ». Toujours prompts à aider leur prochain, les pêcheurs à pied expérimentés délivrent leurs conseils avisés aux débutants, et même quelques recettes de cuisine : les bulots cuisent dix minutes dans de l’eau de mer avec un peu de poivre, les coques se dégustent à l’italienne avec des pâtes, un peu d’ail et de la crème, les palourdes sont à redécouvrir crues…

*Do It Yourself : Faites-le vous-même

Pratique :

Si la pêche à pied se pratique quasiment tous les jours dans la Petite Mer de Gâvres, le reste du littoral livre ses trésors de préférence aux grandes marées. La pêche à pied est un sport réglementé : les tailles et quantités autorisées par personne sont indiquées par les affaires maritimes.

> Lorient 88 av de la Perrière – 02.97.37.16.22

> www.morbihan.gouv.fr

 

Prochaines grandes marées en 2014 (coefficient autour de 100) :

Du 13 au 17 juin (coef. 96 à 100)

Du 12 au 16 juillet (coef. 97 à 107)

Du 10 au 15 août (coef. 95 à 113)

Du 8 au 12 septembre (coef. 97 à 115)

Du 7 au 11 octobre (coef. 97 à 111)

Du 6 au 9 novembre (coef. 98 à 101)

 

La solidarité des libraires indépendants

« Merci pour ce moment », l’imprévu best-seller (440 000 exemplaires vendus fin septembre) de Valérie Trierweiler sur sa relation avec le Président François Hollande l’a prouvé : le secteur du livre résiste plutôt bien dans un environnement de crise*. Pourtant, on se souvient des récents dépôts de bilan de Virgin et de Chapitre. Un épisode douloureux jusqu’à Lorient (voir ci-dessous) qui montre que tout n’est pas si simple. Et c’est pour mieux revendiquer leur attachement au livre en tant que bien culturel, et pas de consommation, que six libraires indépendants se sont regroupés en une association, LIPL (Libraires Indépendants du Pays de Lorient) dès 2010. « On s’est rapproché pour mieux faire connaître notre métier qui doit évoluer en même temps que la société » explique Chantal Dufief, présidente de LIPL et propriétaire de la librairie lorientaise Quand les livres s’ouvrent.

Chantal Dufief et son mari, librairie Quand les livres s'ouvrent à Lorient, et membres du réseau LIPL
Chantal Dufief et son mari, librairie Quand les livres s’ouvrent à Lorient, et membres du réseau LIPL

Car au Pays de Lorient comme ailleurs, les libraires font face au géant du net Amazon, à la concurrence des grandes surfaces, à la dilution d’une offre pléthorique dans des points de distributions très éparpillés. « On va au supermarché pour trouver tout dans un même lieu, des livres et des petits pois. Mais cela isole les gens de plus en plus, même chose avec Internet. Alors qu’en entrant dans une librairie, on s’engage socialement et dans la vie culturelle de son quartier, de sa commune ». Plus qu’un étalage de livres, les membres de LIPL revendiquent un savoir-faire professionnel, une connaissance démultipliée par leurs spécialités respectives : jeunesse, bien-être, culture locale, littérature… Ils défendent leur rôle et leur place, « on opère une sélection, on propose des coups de cœur, des animations, on conseille et on écoute les lecteurs. La lecture révèle beaucoup de soi, de l’intime : on est dans une relation d’échanges. Et une librairie, ça respire la vie, le goût de l’autre » reprend Chantal Dufief. Animateur de terrain, LIPL participe à des événements et organise le salon bisannuel du livre santé et bien-être. Le réseau prépare même sa sélection pour lancer un prix du livre LIPL courant 2015.

 

Infos sur http://assolipl.blogspot.fr

 

* En 2013, on compte 356 millions de livres papiers vendus, avec une nette progression du livre numérique qui double ses ventes à 5 millions de téléchargements payants recensés. 

Alimenterre : comment (mieux) nourrir le monde ?

Lorient Agglomération est partenaire du festival de films documentaires AlimenTerre : 6 films pour comprendre les enjeux du déséquilibre alimentaire mondial.

 « Jamais nous ne céderont notre terre, cela équivaudrait à vendre notre âme, à mourir » : la déclaration désespérée de cette femme africaine qui veut sauver sa terre illustre les conséquences de l’acquisition forcée de terres par les géants de l’industrie agroalimentaire. Une situation dénoncée par « Sans terre, c’est la faim », le nouveau film coup de poing de la cinéaste Amy Miller et qui fait partie des 6 documentaires sélectionnés et diffusés en novembre à Lorient, en France et dans le monde dans le cadre du festival de films Alimenterre. C’est pour mieux informer et sensibiliser le grand public sur les causes économiques, sociales et politiques de la faim dans le monde, que le CFSI (Comité Français pour la Solidarité Internationale) a créé la campagne Alimenterre et son festival de Films documentaires. Car la lutte contre la faim n’est pas que l’affaire des forums internationaux et des ONG. Chacun est concerné, à son échelle, face à cette menace mondiale qui touche 842 millions de personnes dans le monde*. Un chiffre en repli depuis 25 ans mais d’une intolérable réalité. En France, une personne précaire sur deux ne mange pas à sa faim**.

food-saversA Lorient, le relais est assuré par le CRISLA depuis la création du festival en 2007. Chaque année, Alimenterre pose ses valises et ses bobines dans différentes villes de l’agglomération. Et pour 2014, Languidic et Plouay sont à l’honneur. « On s’éloigne de la ville-centre pour toucher un public nouveau : les jeunes actifs et les agriculteurs, très sensibles à ces questions, explique Morgane Sabatier, animatrice du CRISLA à Lorient, car on se rend compte que du Nord au Sud, les problématiques des paysans sont les mêmes : l’installation des jeunes agriculteurs, les terres qui se réduisent au profit de l’immobilier, le problème des semences, etc. » A travers sa programmation, le festival Alimenterre aborde ici de nombreux sujets et pose les questions de notre engagement et de nos choix alimentaires : comment lutter contre l’accaparement des terres agricoles ? Faut-il sacrifier le jus d’orange du matin ? Comment nourrir les villes demain ? Quelles solutions au quotidien pour moins gâcher ? La PAC (Politique Agricole Commune), c’est quoi ? Chaque projection est suivie d’un débat en présence de spécialistes, parfois du réalisateur, accompagné d’un échange avec le public. « On recadre le débat à notre échelle : on implique des acteurs locaux avec des propositions réelles, concrètes. Par exemple, à propos du gaspillage alimentaire, un directeur de supermarché viendra autour de la table. On veut sensibiliser, bien-sûr, mais aussi permettre au public d’être acteur du changement, en proposant d’autres options de consommation ».  Ainsi, de nombreuses séances scolaires sont organisées, les enfants constituent même les deux tiers des 3 000 personnes qui assistent aux projections. Et après 7 éditions du festival du film Alimenterre, et un travail de terrain au jour le jour, le message semble passer, « on remarque des démarches citoyennes de plus en plus importantes, une prise de conscience collective » note Morgane Sabatier.

 

 

Festival Alimenterre

Jusqu’au 30 novembre 2014

Projections à Lorient, Languidic, Riantec, Plouay et Lanester.

Gratuit

Programmation complète sur www.festival-alimenterre.org

 

* chiffres 2014 du Programme Alimentaire Mondial

** enquête Médecin du Monde, Juin 2014

1964 – 2014 : les cinquante ans de la première victoire d’Éric Tabarly

Il y a 50 ans, Éric Tabarly remportait sa première victoire dans la transatlantique anglaise. Seul aux commandes d’un bateau innovant, il marqua l’histoire de la course au large et ouvrit la porte à plusieurs générations de marins français. Sa victoire déclencha aussi l’engouement de la France pour la voile et particulièrement la course en solitaire, et influença même le développement de la plaisance.

 

La naissance d’une légende

 

Eric Tabarly

Le 18 juin 1964, c’est un jeune officier de marine français inconnu qui surprend l’assistance réunie à Newport, Rhode Island, aux Etats-Unis. Éric Tabarly vient de remporter la deuxième édition de la transat anglaise en 27 jours, 3 heures et 56 minutes. Seul français engagé, il imprime son visage et son style dans le monde de la course à la voile. Une victoire fracassante qui lancera la légende Éric Tabarly et donnera le goût de la course au large aux français.

L’Ostar, pour Observer Singlehanded Tansatlantic Race. Une course naissante, une transatlantique en solitaire, organisée par et pour les anglais, seigneurs de la mer, et peu suivie en France. Pourtant, quand Éric Tabarly, navigateur breton brillant et jeune officier de Marine, voit passer l’avis de course, la décision est prise rapidement : il faut participer et gagner. Éric veut inventer le bateau qui lui donnera la victoire. Le chantier débute en janvier 1964 à la Trinité sur Mer pour une course programmée en mai au départ de Plymouth, en Angleterre. Malgré la précipitation, Éric Tabarly sait ce qu’il veut : avec l’architecte Gilles Costantini, il dessine et conçoit un bateau spécifiquement adapté à une transatlantique en solitaire. « On ne se connaissait pas, mais il est venu me demander de construire son gréement et ses voiles pour préparer la transat » se souvient Victor Tonnerre, alors jeune maitre voilier de 25 ans employé à la voilerie lorientaise familiale. « Il voulait un grand bateau de 43 pieds, entièrement en contreplaqué et à déplacement léger, ce qui était une révolution. Car à cette époque, les bateaux étaient en bois ou en métal et très lourds.» C’est en étudiant le parcours et les concurrents de la précédente édition (1960) qu’Éric Tabarly comprend comment construire un bateau plus rapide et adapté à la course. Il bouleverse l’architecture navale de l’époque avec un ketch à la coque longue et légère de 13,60 mètres et 6,5 tonnes. Avec Victor Tonnerre, il imagine une voilure réduite, maniable et étalée sur la longueur pour être manœuvrée en solitaire et assurer la stabilité. Pen Duick II, reconnaissable à sa grande coque noire, naît sur le chantier de la Trinité. Mais c’est à Lorient qu’il reçoit sa quille et qu’il sera mis à l’eau. Entre autres innovations, Éric fait installer dans la cabine une selle de Harley-Davidson devant la table à cartes, et une bulle de verre sur le roof pour barrer par tous les temps : un astrodôme de bombardier hérité de ses années d’aéronavale. C’est aussi le premier à s’équiper d’un pilote automatique, il emporte également son réveille-matin, mais tous deux le lâcheront au bout de huit jours de course… « Plymouth, 23 mai, 9 heures, l’Ostar est au rendez-vous.(…) Éric est paré pour un aller simple. Le retour, on n’y est pas. Il n’a pas un sou en poche, aucun billet de retour, et si peu d’habits civils ! » écrit l’ami et admirateur Yann Quéffelec dans son livre Tabarly. Frappé du n°14, Pen Duick II se démarque dès le départ quand Éric lance son spi rouge, remontant d’une accélération surprenante tous ses concurrents. « C’est le premier à oser envoyer un spi tout seul… reprend Victor Tonnerre. On lui en avait fabriqué trois : léger, moyen et lourd. Et il n’avait pas peur ! ». De fait, moins de vingt-huit jours plus tard, le n°14, chiffres blanc sur fond noir, est le premier à émerger du brouillard – et du silence radio que s’imposait son capitaine- à Newport, USA. Il a trois jours d’avance sur Chichester, lui-même vainqueur de la précédente édition en quarante jours. Ce 18 juin 1964, la France et les anglais découvrent Pen Duick II et Éric Tabarly. Jamais un bateau aussi grand n’avait été mené en course par un seul homme. Jamais un français n’avait ainsi battu les britanniques sur leur terrain. « Tabarly fait découvrir à la France qu’on est bon en mer et que les marins français peuvent tenir la dragée haute aux anglais » se souvient Patrick Chapuis alors jeune journaliste à l’Equipe. « Et il a le physique de l’emploi : celui d’un granit breton, un bout de barbe émergeant d’un vieux ciré… toutes les photos de lui sont géniales, il incarne la figure idéale du marin ». François Ponchelet, journaliste d’Europe n°1, confirme : « c’est Éric qui a lancé l’engouement médiatique pour la voile, il n’y avait pas de précédent avant 1964. En battant les anglais, il devient une légende et le retentissement dans la presse française et anglaise est énorme ». Un officier de la Marine, un marin breton atypique, avec le goût de l’aventure et de l’audace : le visage du nouveau héros fait la une de France Soir dès le lendemain de sa victoire. Il part dans la foulée à Washington recevoir la croix de Chevalier de la légion d’honneur des mains de l’ambassadeur. « Tabarly gagne la transat et tous les petits français deviennent des Tabarly » s’amuse Gérard Petipas, coéquipier et ami de toujours, « il se projette sur la scène nationale et internationale et rend accessible la voile ». « Cette victoire ouvre les esprits, et le contreplaqué séduira les classes moyennes qui pourront s’offrir des bateaux moins chers » reconnait Victor Tonnerre. Ainsi, par ses innovations, le navigateur aidera même au développement de la plaisance. Et cinquante ans après sa victoire historique, Éric Tabarly reste une référence pour tous les marins français : dans sa façon de naviguer- il formera les plus grands noms de la voile – et dans ses nombreuses innovations qui marqueront l’évolution des bateaux et même des courses.

 

 

L’association Éric Tabarly

13 juin 1998, Éric Tabarly disparaît en mer d’Irlande. De cette perte tragique nait l’association Éric Tabarly, par la volonté de son épouse Jacqueline, de ses nombreux amis et de tous les témoignages de sympathie venus de France et d’étranger. « On voulait faire vivre ses idées et permettre aux Pen Duick de naviguer » explique Gérard Petipas, navigateur, ami fidèle et vice-président de l’association qui rassemble aujourd’hui 800 adhérents. L’association est installée à Lorient, dans les locaux de la Cité de la Voile Éric Tabarly : « un choix légitime, puisque trois Pen Duick ont été construits aux chantiers de la Perrière, Éric était aussi officier de Marine à Lorient et c’est la ville qui a lancé la première transat française, la transat en double Lorient – Les Bermudes – Lorient en 1979 avec Éric Tabarly ». Elle assure donc l’entretien des cinq Pen Duick d’Éric Tabarly et les fait naviguer. Et si Lorient est le port d’attache des Pen Duick, ils prennent le large chaque été pour aller à la rencontre d’un public toujours fasciné. « Plus de 15 ans après sa disparition, Éric Tabarly est toujours considéré comme le plus grand marin. Plus qu’un coureur, il était architecte naval, inventeur, et le formateur des 250 meilleurs marins français. Il reste une référence incontournable. Son héritage doit être préservé. »

www.asso-eric-tabarly.org

 

 

Une victoire qui change l’histoire

B. HeimermannBenoît Heimermann est journaliste à l’équipe. Il est aussi l’auteur d’une biographie d’Eric Tabarly, Tabarly, l’homme de granit.

Pourquoi la victoire d’Eric Tabalry a un tel retentissement en 1964 ?

Cette victoire du français qu’on n’attend pas, c’est celle du pionnier. France Soir s’empare de l’histoire. C’est le seul média français à couvrir l’arrivée de la course, et il s’agissait du plus grand quotidien français qui tirait à plus d’un million d’exemplaires. Et puis à cette époque, la France ne brillait pas dans les grands sports, elle n’avait pas de résultats. Alors, quand un héros national adoubé par la Marine bat les anglais qui dominaient la mer jusque-là, c’est un événement !

Il révolutionne beaucoup de choses dans la course à la voile ?

Pour commencer, l’engouement pour sa victoire et sa personne crée une émulation : on se passionne, on veut tenter la voile et les courses côtières démarrent dans la foulée.  Ensuite, techniquement, Eric propose beaucoup de nouveautés. Il essaie tout le temps d’améliorer son bateau et ses voiles, de gagner en vitesse tout en simplifiant la navigation. On lui doit par la suite les voiles lattées, les grands multicoques, l’hydroptère…

Quelles répercussions sur la plaisance ?

Deux ou trois ans après 1964, on va comprendre que le déplacement léger, c’est l’avenir : il est peu coûteux et peut se fabriquer en série. On comprend aussi qu’on peut naviguer seul : avec Tabarly, tout parait plus simple. Pourtant, naviguer en compétition à l’époque, c’était vraiment une épreuve physique. Il fallait essuyer les dépressions, Éric s’était d’ailleurs attaché à son mât pour ne pas passer par-dessus bord dans la transat de 1976…

 

 

Éric Tabarly en quelques dates

Naissance le 24 juillet 1931 à Nantes

1952 : entre dans la Marine Nationale

1964: vainqueur de l’Ostar, la transat anglaise sur Pend Duick II

1966 : construction de Pen Duick III, coque en aluminium

1968 : construction de Pen Duick IV, trimaran en aluminium

1969 : construction de Pen Duick V et victoire lors de la Transpacifique San Francisco-Tokyo, avec 11 jours d’avance sur le deuxième

1973 : construction de Pen Duick VI

1976 : deuxième victoire dans l’Ostar, sur Pen Duick VI

1979 : construction du trimaran Paul Ricard et deuxième de la Transat en double Lorient-les Bermudes-Lorient (avec Marc Pajot)

1980 : Record de la traversée de l’Atlantique Nord à la voile d’Ouest en Est (New York-Cap Lizard), en multicoque : 10 j. 5 h 14 min.

1987 : deuxième de la Transat en équipage Lorient-Saint-Pierre-et-Miquelon-Lorient

1997 : vainqueur de la Transat Jacques-Vabre  (avec Yves Parlier)

13 juin 1998 : disparition en mer

 

Bibliographie :

Tabarly, Yann Quéffelec, ed.Plon

Tabarly, l’homme de granit, Benoît Heimermann, ed. Grasset

à Eric, Jacqueline Tabarly et Daniel Gilles, ed. du Chêne

 

Embrasser la mer à la Maison de l’île Kerner

C’est une maison aux volets bleus, accrochée à son île. On y accède par une route étroite à fleur d’eau juchée sur la fine digue qui relie Kerner à la terre. Plantée au milieu de la Petite Mer de Gâvres, la Maison de l’île Kerner préserve la mémoire du lieu et sensibilise à la fragilité de notre environnement.

Un site naturel à découvrir

La Petite Mer de Gâvres est une lagune intérieure de 600 hectares protégée par un cordon dunaire formé il y a 130 000 ans. Elle se compose d’une mosaïque de milieux : espace dunaire, estran qui mélange sable, vase et cailloux, et prés salé où s’épanouit la délicieuse salicorne. Un paradis pour de nombreuses espèces végétales et animales : coquillages et crustacés, oiseaux migrateurs et nicheurs, lavande de mer et fucus échevelé. Sans compter les nombreux bipèdes, l’échine courbée, creusant le sable à la recherche de coques et palourdes, vite remplacés par les kite-surfeurs et autres planchistes selon les marées. C’est toute cette variété de vies que met en scène la Maison de l’île Kerner à travers un espace muséographique ludique et des sorties nature originales.

Une visite ludique

Dans une ancienne maison d’ostréiculteur datant de 1902, sur un fond bleu azur, un cheminement en lattes de bois perce une grève de galets où sont reconstituées les ambiances du site. La visite s’ouvre sur la mer à marée basse, paradis des pêcheurs à pied, royaume de la reine palourde. Un vélo jeté sur la plage, des crocs et des paniers, on farfouille et on ouvre des tiroirs, des placards, des volets qui dévoilent les secrets des « culs salés qui viennent à la côte ». Bercé par le bruit des râteaux grattant le sable, on poursuit vers la découverte des beaux oiseaux qui peuplent la lagune : Chevalier Aboyeur, Oie Bernache, Tournepierre, Huîtrier Pie, Sterne ou Aigrette Garzette, ils paradent dans leur plumage d’été, celui de la séduction, grâce à des sculptures à taille réelle. La visite se termine par la présentation géographique et géologique de la Petite Mer de Gâvres. Toute cette mise en bouche livre le visiteur vers l’extérieur pour une observation avisée de la vue dégagée sur les parcs ostréicoles, le tumulus de Gâvres, la Citadelle de Port-Louis, les activités portuaires, le passage du batobus. Sur la terrasse aménagée, la vue embrasse un paysage grandiose et reposant, soumis au vent et aux embruns, observable à l’infini avec l’aide des lunettes mises à disposition.

La nature à bras le corps

De l’autre côté du jardin, l’ancien magasin des années 20 a été réaménagé en bar-épicerie d’époque, avec photos et témoignages des figures de la vie locale. Des trieuses d’huîtres au facteur, des coiffes traditionnelles aux mini-jupes des années 60, l’histoire vivante imprègne le lieu où l’on peut déguster un café avant de s’offrir le grand air. Car c’est surtout les pieds dans l’eau que se visite la lagune : avec « les petites bêtes du bord de mer », une visite en famille à la découverte de l’estran ; « la Petite Mer en kayak », une balade de près de 2h à la force des bras qui traverse 130 000 ans d’histoire jusqu’à l’île des Pins ; ou encore la nouveauté de cette année, « à fleur d’eau », un tour de l’ile à pied, moitié dans l’eau et moitié à terre, pour s’offrir un autre point de vue à ras de l’eau !

 

Pratique :

Maison de l’île Kerner – rue de la Grève à Riantec

Ouvert tous les jours jusqu’au 31 août de 10h à 19h

Sorties nature et animations sur www.maison-kerner.fr ou au 02 97 84 51 49